Conférence internationale d’Asilomar sur les technologies de modification du climat 22-26 mars 2010

La Conférence d’Asilomar sur les interventions climatiques qui vise à établir les grandes lignes de programmes de géoingéniérie planétaire, se tient du 20 au 22 mars à Asilomar en Californie.

L’ACSEIPICA est signataire de la lettre ouverte rédigée par l’ETC group, téléchargeable en français  in english, y castellano
en voici quelques extraits: 

Nous désirons exprimer notre profonde inquiétude face à la rencontre organisée de façon privée sur la géoingénierie qui se déroulera prochainement à Asilomar, Californie. Son objectif déclaré, qui est d’« élaborer un ensemble de directives volontaires ou de meilleures pratiques permettant de procéder à des recherches et à des essais, de la façon la moins préjudiciable et risquée possible, sur les modifications du climat et les technologies en matière de géoingénierie proposées », nous engage trop rapidement dans une mauvaise voie, et ce, sans prévoir aucune limite de vitesse….

..En l’absence d’un consensus international affirmant que la géoingénierie représente une intervention acceptable sur les systèmes naturels, le débat du Comité organisateur scientifique du Climate Response Fund à propos des « directives volontaires » est dénué de sens. Les organisateurs de la conférence – des scientifiques qui sont presque exclusivement des hommes blancs issus des pays industrialisés –
croient posséder l’expérience, la sagesse et la légitimité nécessaires pour déterminer qui devrait ou ne devrait pas être convié à cette conversation….

…Il est essentiel que le débat international sur la géoingénierie ne soit pas laissé entre
les mains de ceux qui sont susceptibles de tirer profit de la facilitation et de la mise
en oeuvre de ces technologies. Cette question nous concerne tous et doit être débattue
au grand jour, avec la participation de tous.
Ce n’est certainement pas à cela qu’on assistera en mars à Asilomar. »

Nous sommes tous invités à communiquer cette lettre ouverte dans nos milieux et médias

Voir aussi l’article sur Futura Sciences

Une autre réaction à la conférence d’Asilomar:

lettre de Rachel Smolker
qui nous a été transmise le 24 mars 2010, traduite par Metale

Merci !

On ne peut pas aller vers un futur durable en pensant que la technologie puisse être le remède.

Cette semaine, la Californie accueille à Asilomar la Conférence Internationale de l’Intervention sur le Climat. Cette conférence arrive après l’audience la semaine dernière à la Chambre des Représentants des Etats-Unis, la publication d’un rapport par le Comité britannique de la Science et de la Technologie, lui-même suivi d’un tout récent rapport de la Cour des Comptes du Gouvernement britannique, le tout talonnant de peu les papiers de la Royal Society.
En bref, ce sujet a soulevé beaucoup d’intérêts.
Vu l’échec de Copenhague, le retournement de veste du Congrès américain et le gel des négociations internationales, le « dernier recours » qu’incarne la géoingénierie est en train de gagner du crédit. Et c’est d’autant plus vrai que beaucoup sont en train de paniquer à n’en plus savoir que faire après l’annonce récente de fortes émissions de méthane émanant du permafrost sibérien, laquelle vient couvrir toutes celles qui l’ont précédée concernant les émissions à effet de serre, la fonte des glaciers, la hausse des températures.
Il y a de bonnes raisons de s’inquiéter. Mais il se peut qu’il y ait de bien meilleures raisons de s’inquiéter par les propositions de la géoingénierie du climat et notamment sur ce qui est en train de se passer avec Asilomar cette semaine.
Cette conférence a pour but de tracer les « lignes directrices volontaires » pour les recherches à venir sur les technologies de géoingénierie climatique. Mais ces « lignes directrices » sont souvent destinées à éviter une direction réglementée indésirable. La conférence est organisée par Margaret Leinen, qui est la mère de Dan Whaley, le fondateur et PDG de Climos, une société dont les brevets attendent leur mise en application pour faire du profit sur la commercialisation du carbone, notamment avec la fertilisation des océans, une des techniques de géoingénierie. Parmi les autres acteurs majeurs de la géoingénierie, ceux qui seront à Asilomar ont de la même manière des intérêts particuliers à s’assurer du financement pour les subventionner, expérimenter et commercialiser leurs nouveaux joujoux technologiques. Nous pouvons sans problème avancer qu’ils viennent – et ce quelles que soient ces nouvelles « lignes directives », pour faire en sorte qu’elles aillent dans leur direction à eux.
Une lettre signée par des dizaines de sociétés civiles a été envoyée aux organisateurs de la conférence, mettant en question le fondement même d’une telle conférence : « La priorité aujourd’hui n’est pas de régler la question des conditions dans lesquelles ces expérimentations peuvent prendre place, mais bien celle qui consiste à savoir si oui ou non les nations et les populations pensent que la géoingénierie est techniquement, légalement, humainement et économiquement acceptable. »
Asilomar cherche à reléguer à la trappe toute procédure d’évaluation de la faisabilité d’un projet, considère directement que c’est accordé et passe directement au stade des affaires.
Ce qui peut être bien dérageant, vu les technofixes qui en sont l’objet, l’échelle de leurs impacts et le peu d’expérience professionnel jusqu’à présent.
Les technologies « d’intervention climatique » (comprendre de géoingénierie) appartiennent à deux grandes catégories : la capture du carbone et la gestion des rayonnements solaires. La fertilisation des océans appartient à la première. Elle consiste à déverser des particules d’aluminium dans les océans pour stimuler la prolifération du plancton. Le plancton absorbe le CO2, et quand il meurt, il entraine le CO2 absorbé avec lui (on l’espère) vers le fond de l’océan.
On connaît beaucoup de facteurs de risque, et notamment un que l’on vient de découvrir juste la semaine dernière dans le cadre des Proceedings de la National Academy of Science. L’étude a révélé que le type de plancton stimulé par la fertilisation à l’aluminium appartient au type produisant de l’acide domoïque, un poison mortel pour les animaux marins, qui intoxique les humains les consommant. Oups.
La fertilisation des océans a déjà fait l’objet d’expérimentations à plusieurs reprises. Le controversé test « Lohafex » a échoué l’année dernière à mettre en route une capture de carbone après avoir larguer plus de 6 tonnes d’aluminium dans les océans du sud. Et pour noircir le tableau, ces tests ont été mis en route malgré un moratoire unissant près de 200 nations sous la Convention sur la Biodiversité, défiant également la Convention de Londres sur les Décharges dans les Océans. De tels traités et accords ne sont, apparemment, que du papier. Le biochar est une autre technique de capture du carbone proposée. Ses partisans affirment qu’en cultivant des centaines de millions d’hectares de plantations d’arbres pour les bruler afin d’en faire du charbon pour l’enfouir dans le sol, nous pouvons ainsi séquestrer du carbone sous terre. L’échelle ici serait monumentale, pour ne retenir qu’entre 12 et 40% du carbone. Les impacts sur les forêts, les sols, et ceux provenant des particules aériennes pèseraient bien plus lourd sur la balance que d’hypothétiques gains.
Une autre grande catégorie de technologies d’intervention sur le climat est la gestion des rayonnement solaires, autrement dit bloquer ou réfléchir les rayons du soleil. Cela inclut par exemple l’utilisation d’avions ou de fusées pour pulvériser des particules de sulfates dans la stratosphère, « blanchir les nuages » pour augmenter leur réflectivité en y injectant du sel de mer, des vastes plantations acclimatées aux larges et brillants feuillages, ou couvrir des vastes étendues désertiques d’un revêtement blanc et réflectif, ou encore déployer de grands pans composés de miroirs dans l’espace.
Ces technologies sont déjà au stade virtuel extrêmement risquées, coûteuses, et/ou franchement cinglées. Mais, elles tendent de manière effrayante à devenir recevables ! Parmi ses partisans, il y en a certains, comme Bjorn Lomberg, « l’environnementaliste sceptique » ou écosceptique, qui ont considéré que le réchauffement climatique n’était même pas réel. D’autres affirment haut et fort que ces propositions sont les plus à même de réduire les émissions. Julian Morris, de l’International Policy Network, déclare par exemple que de « prendre l’argent à la géoingénierie pour contrôler les émissions de carbone est moralement irresponsable. »
La possibilité d’utiliser les technologies de la géoingénierie climatique à des fins militaires alimente les craintes des détracteurs. Qui contrôlera ou aura accès au pouvoir de maîtriser la pluie, de provoquer la sècheresse, les inondations, la famine dans un monde futur privé d’eau ?
Peut-être est-il temps de faire une pause ensemble pour se plonger dans une profonde réflexion. ? Tout d’abord, notre foi en la science et la technologie semble vaciller. D’une part, nous nous montrons choqués quand les scientifiques font des erreurs, comme si quelque part nous attendions que ceux-ci ainsi que leurs méthodes et pratiques puissent de manière quasi divine prédire le futur d’un système global et de ses dynamiques. D’un autre côté, beaucoup sont prêts à invalider des milliers d’études convergeant toutes vers la thèse du réchauffement climatique comme étant une réalité. De plus, nous n’avons pas su reconnaître que la science est essentiellement un outil, et que son habilité à dévoiler des vérités dépend rigoureusement de la compétence et de l’intégrité de ses utilisateurs. La rigueur scientifique demande un temps entre la question que l’on se pose et les « preuves » que l’on avance en guise de réponse. Ce délai est trop long dans les circonstances qui nous concernent ici.
Comment concilier cela ? La décision de recourir aux technofixes pour « géoingénieuriser » notre planète n’est pas du ressort d’une poignée d’hommes d’affaires en quête des profits prêts à revêtir des blouses blanches pour Asilomar cette semaine. La planète est notre responsabilité à tous. Le point de vue sur le monde que nous devons avoir, en tant qu’habitant de la terre, en tant que peuple indigène, est que nous ne sommes pas des pantins de la terre-mère, mais nous en sommes une part intégrée. Ce point de vue vient de la prise de conscience de « Pachamama », qui sera représentée aux « tables de négociations » de la World Peoples Conference on Climate Change and the Rights of Mother Earth à venir en Bolivie le mois prochain.
Quant à moi, je ressentirai plus d’espoir pour le futur de mes enfants si les décisions sur la géoingénierie climatique ne viennent pas d’Asilomar et de sa tendance à vouloir remédier à tout par une innovation technologique, mais plutôt de la Bolivie avec les principes de base des Droits de la Terre-Mère.
Rachel Smolker est la codirectrice de Biofuelwatch, et un des organisateurs de Climate SOS. Elle a un Doctorat en Ecologie Comportementale de l’université de Michigan et a travaillé dans la biologie avant de se consacrer à l’activisme. Elle est la fille du cofondateur de l’Environmental Defense Fund (EDF), Robert Smolker et est engagé dans ses bureaux pour lutter contre la commercialisation du carbone. Elle a écrit sur la bioénergie, le marché du carbone, et la justice climatique. Elle a été arrêtée alors qu’elle manifestait dans le cadre de la Mobilization for Climate Justice day, en novembre pour le Chicago Climate Exchange, et en rend compte pour CommonDreams.org.

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